Claude Lévesque
11 mai 2013
La question kurde, si souvent reléguée à l’arrière-plan de l’actualité, a été ramenée à
l’avant-scène à cause du retrait, en cours depuis mercredi, des 2000 combattants du Parti des
travailleurs du Kurdistan (PKK) se trouvant dans l’est de la Turquie vers leurs bases arrière
dans le nord de l’Irak, où les attendent 2500 confrères.
Le PKK, qui réclame l’indépendance, ou à tout le moins une large autonomie pour les Kurdes, est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada, même si, dans les faits, il a renoncé à la lutte armée depuis l’arrestation de son chef en 1999 et qu’avant cette date, l’État turc ne lui laissait pas beaucoup de lattitude pour faire valoir pacifiquement ses revendications.
11 mai 2013
Photo : Agence France-Presse |
Le PKK, qui réclame l’indépendance, ou à tout le moins une large autonomie pour les Kurdes, est considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et le Canada, même si, dans les faits, il a renoncé à la lutte armée depuis l’arrestation de son chef en 1999 et qu’avant cette date, l’État turc ne lui laissait pas beaucoup de lattitude pour faire valoir pacifiquement ses revendications.
Les Kurdes constituent le plus important peuple sans État sur la Terre. Le Kurdistan, cette
région qu’ils habitent depuis des millénaires, est partagé entre la Turquie, où ils sont entre 12
et 15 millions, l’Irak (entre 5 et 6,5 millions), l’Iran (7,8 millions) et la Syrie (entre 1 et 2
millions). On ne connaît pas leur nombre avec exactitude, notamment parce que les États où
ils vivent n’ont pas intérêt à les recenser. Environ trois millions de Kurdes vivent en dehors de
leur région d’origine, dont 800 000 en Allemagne.
La guerre entre le Parti des travailleurs du Kurdistan et l’État turc, commencée officiellement en 1984, a fait 40 000 morts (surtout des Kurdes et des membres des forces de sécurité turques) et environ trois millions de déplacés.
C’est le 25 avril, dans le Kurdistan irakien, que le PKK a annoncé par la voix de son chef militaire, Murat Karayilan, que ses forces combattantes quitteraient la Turquie à partir du 8 mai dans le cadre de négociations entamées à la fin de l’année dernière entre Ankara et le chef historique du parti, Abdullah Öcalan, emprisonné près d’Istanbul depuis sa capture au Kenya.
Ce dernier avait appelé à un cessez-le-feu le 21 mars à l’occasion du Nouvel An kurde. « Öcalan est un symbole de l’unité kurde et des aspirations de ce peuple à la liberté. Un processus de paix durable ne doit cependant pas se construire autour d’un seul homme. En Afrique du Sud, la transition vers la démocratie ne s’est pas faite seulement par le truchement de pourparlers entre le régime d’apartheid et Nelson Mandela », fait remarquer Harem Karem, éditeur de la Kurdistan Tribune, un média en ligne basé au Royaume-Uni.
Ce dernier souhaite une nouvelle constitution et une « refondation de l’État turc sur des bases véritablement démocratiques, qui garantiraient les droits des minorités ethniques et religieuses ». « L’attention [des médias] devrait être portée sur la libération d’Öcalan et des autres prisonniers politiques, sur la reconnaissance de la langue kurde et sur l’autonomie. Pas seulement sur le retrait militaire.»
La balle est dans le camp d’Ankara, qui doit mettre en oeuvre des « réformes dans le cadre d’une solution constitutionnelle », a déclaré M. Karalyilan, le chef militaire du PKK, cette semaine.
En 1920, le traité de Sèvres prévoyait, à terme, la création d’un État kurde indépendant. Les nouvelles autorités turques ont refusé cette disposition et, en 1923, le principe de cette autonomie a été biffé du traité de Lausanne.
Les Kurdes de Turquie n’ont cependant jamais renoncé à leurs revendications nationales, ce qui leur a valu de vivre presque sans interruption sous la loi martiale depuis cette époque.
Le PKK est né dans les années 1970. À partir de 1984, il s’est engagé dans une lutte sans merci contre l’État turc, multipliant les attentats contre des cibles civiles et militaires. La répression s’est accrue et, en février 1999, son chef a été kidnappé au Kenya par des agents turcs et ramené en avion jusqu’à Istanbul.
La guerre entre le Parti des travailleurs du Kurdistan et l’État turc, commencée officiellement en 1984, a fait 40 000 morts (surtout des Kurdes et des membres des forces de sécurité turques) et environ trois millions de déplacés.
C’est le 25 avril, dans le Kurdistan irakien, que le PKK a annoncé par la voix de son chef militaire, Murat Karayilan, que ses forces combattantes quitteraient la Turquie à partir du 8 mai dans le cadre de négociations entamées à la fin de l’année dernière entre Ankara et le chef historique du parti, Abdullah Öcalan, emprisonné près d’Istanbul depuis sa capture au Kenya.
Ce dernier avait appelé à un cessez-le-feu le 21 mars à l’occasion du Nouvel An kurde. « Öcalan est un symbole de l’unité kurde et des aspirations de ce peuple à la liberté. Un processus de paix durable ne doit cependant pas se construire autour d’un seul homme. En Afrique du Sud, la transition vers la démocratie ne s’est pas faite seulement par le truchement de pourparlers entre le régime d’apartheid et Nelson Mandela », fait remarquer Harem Karem, éditeur de la Kurdistan Tribune, un média en ligne basé au Royaume-Uni.
Ce dernier souhaite une nouvelle constitution et une « refondation de l’État turc sur des bases véritablement démocratiques, qui garantiraient les droits des minorités ethniques et religieuses ». « L’attention [des médias] devrait être portée sur la libération d’Öcalan et des autres prisonniers politiques, sur la reconnaissance de la langue kurde et sur l’autonomie. Pas seulement sur le retrait militaire.»
La balle est dans le camp d’Ankara, qui doit mettre en oeuvre des « réformes dans le cadre d’une solution constitutionnelle », a déclaré M. Karalyilan, le chef militaire du PKK, cette semaine.
En 1920, le traité de Sèvres prévoyait, à terme, la création d’un État kurde indépendant. Les nouvelles autorités turques ont refusé cette disposition et, en 1923, le principe de cette autonomie a été biffé du traité de Lausanne.
Les Kurdes de Turquie n’ont cependant jamais renoncé à leurs revendications nationales, ce qui leur a valu de vivre presque sans interruption sous la loi martiale depuis cette époque.
Le PKK est né dans les années 1970. À partir de 1984, il s’est engagé dans une lutte sans merci contre l’État turc, multipliant les attentats contre des cibles civiles et militaires. La répression s’est accrue et, en février 1999, son chef a été kidnappé au Kenya par des agents turcs et ramené en avion jusqu’à Istanbul.
À cette époque, le président de l’Institut kurde de Paris, Kendal Nezan, avait écrit dans les
pages du quotidien Libération : « Au cours de cette guerre à huis clos, l’armée turque [...] a
détruit quatre mille villages kurdes [et] bombardé une dizaine de villes. [...] Les forces
paramilitaires turques ont décimé les élites kurdes en assassinant plus de 4500 personnes
dans les tristement célèbres faili meçhul (meurtres à auteurs inconnus). »
Le 10 janvier, à Paris, trois militantes du PKK ont été assassinées dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées. Parmi les victimes figurait Sakine Cansiz, une des membres fondatrices du parti. Elle était considérée comme une héroïne par plusieurs Kurdes.
Des milliers de réfugiés ou d’immigrés vivant dans la capitale française n’ont pas tardé à se rassembler sur les lieux du crime, rue Lafayette, accusant l’État turc d’avoir commandité le triple meurtre. Ankara dément. Les autorités françaises détiennent un suspect qui fréquentait le PKK, mais dont la nationalité kurde est mise en doute, ce qui permet de penser qu’il peut s’agir d’un espion infiltré.
Quels qu’en soient les auteurs, le triple assassinat visait probablement à faire dérailler les négociations en cours. Öcalan a d’ailleurs suspendu son dialogue avec les autorités turques pendant plusieurs semaines.
Le gouvernement turc a promis de prendre « grand soin » de ne pas entraver le processus de retrait des combattants du PKK. Dans le passé, l’armée avait profité de trêves unilatérales du PKK pour l’attaquer.
« Il est difficile de faire confiance au gouvernement AKP quand on songe à ce qu’il a fait. Erdogan [le premier ministre du parti AKP] doit gagner la confiance des Kurdes, pas l’inverse. Il doit démontrer qu’il n’est pas uniquement intéressé à devenir le président de la Turquie l’an prochain, estime Harem Karem. On craint qu’il ne soit en train de manoeuvrer dans ce but en prétendant qu’il a « résolu » le problème kurde, mais sans accorder aux Kurdes leurs pleins droits. »
Après avoir été longtemps interdite partout, la langue kurde n’est toujours enseignée qu’aux seuls adultes, dans certaines facultés universitaires. Des milliers de prisonniers politiques kurdes ou de sympathisants de la cause des Kurdes croupissent aujourd’hui dans les prisons turques.
Source: www.ledevoir.com
Le 10 janvier, à Paris, trois militantes du PKK ont été assassinées dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées. Parmi les victimes figurait Sakine Cansiz, une des membres fondatrices du parti. Elle était considérée comme une héroïne par plusieurs Kurdes.
Des milliers de réfugiés ou d’immigrés vivant dans la capitale française n’ont pas tardé à se rassembler sur les lieux du crime, rue Lafayette, accusant l’État turc d’avoir commandité le triple meurtre. Ankara dément. Les autorités françaises détiennent un suspect qui fréquentait le PKK, mais dont la nationalité kurde est mise en doute, ce qui permet de penser qu’il peut s’agir d’un espion infiltré.
Quels qu’en soient les auteurs, le triple assassinat visait probablement à faire dérailler les négociations en cours. Öcalan a d’ailleurs suspendu son dialogue avec les autorités turques pendant plusieurs semaines.
Le gouvernement turc a promis de prendre « grand soin » de ne pas entraver le processus de retrait des combattants du PKK. Dans le passé, l’armée avait profité de trêves unilatérales du PKK pour l’attaquer.
« Il est difficile de faire confiance au gouvernement AKP quand on songe à ce qu’il a fait. Erdogan [le premier ministre du parti AKP] doit gagner la confiance des Kurdes, pas l’inverse. Il doit démontrer qu’il n’est pas uniquement intéressé à devenir le président de la Turquie l’an prochain, estime Harem Karem. On craint qu’il ne soit en train de manoeuvrer dans ce but en prétendant qu’il a « résolu » le problème kurde, mais sans accorder aux Kurdes leurs pleins droits. »
Après avoir été longtemps interdite partout, la langue kurde n’est toujours enseignée qu’aux seuls adultes, dans certaines facultés universitaires. Des milliers de prisonniers politiques kurdes ou de sympathisants de la cause des Kurdes croupissent aujourd’hui dans les prisons turques.
Source: www.ledevoir.com
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