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Manifestations en Turquie: Un mouvement social contre l’autoritarisme, le néolibéralisme et l’islamisme



Par Guertin Tremblay

Les manifestations qui ont enflammé Istanbul, Ankara et plusieurs villes de Turquie au début du mois de juin représentent un mouvement inédit dans le pays. Indépendantes des partis politiques et inspirées des révoltes mondiales contre toute forme de domination, les protestations ont réuni des citoyens de divers horizons, tous mobilisés contre l’autoritarisme du premier ministre Recep Tayyip Erdoğan et de son gouvernement. La violente répression policière a été l’étincelle à l’origine de l’embrasement. Or, de nombreux éléments poussaient à croire qu’une grogne populaire couvait depuis plusieurs mois.


Néolibéralisation
Le projet de réaménagement du parc Gezi et de la place Taksim à Istanbul, espaces de luttes et de revendications, fait partie d’un vaste plan visant à donner un nouveau visage à la métropole turque. Ce nouveau visage provoque de vifs débats en Turquie1, alors que les décisions du gouvernement ont été prises sans considérer les préoccupations des citoyens et les avis d’experts urbanistes et environnementalistes2.
Parmi ces décisions, signalons la construction d’un troisième pont sur le Bosphore et d’un troisième aéroport (un projet de 22 milliards d’euros !), deux chantiers prévus dans la partie nord d’Istanbul. Couverte de forêt, cette zone est considérée comme le « poumon » de la métropole. Bientôt, les travaux liés aux deux mégaprojets entraîneront l’abattage de centaines de milliers d’arbres et la destruction irrémédiable de lacs et d’étangs. Cela ouvrira la voie à l’urbanisation d’un secteur autrefois protégé par le plan de développement urbain, adopté il y a 15 ans par… R.T. Erdoğan, alors maire d’Istanbul !
Depuis des mois, la privatisation de lieux publics à Istanbul était vivement dénoncée par plusieurs de ses habitants. Les rares espaces urbains de rassemblement devenaient de plus en plus convoités pour y développer de grands projets comme des gigantesques hôtels et des centres commerciaux de luxe. De nombreux Stambouliotes ont été chassés de leur quartier pour faire place à ces infrastructures pour privilégiés. Pendant ce temps, les universités privées et les gated communities se sont multipliées au centre-ville3.
Face à la néolibéralisation de leur ville, des citoyens se sont organisés pour bloquer certains projets, comme dans le quartier de Kadiköy (rive asiatique), où l’on prévoit la construction d’un grand centre commercial sur un site historique et protégé4Au printemps dernier, des protestations ont également eu lieu pour sauvegarder un prestigieux cinéma d’Istanbul, Emek (ouvert en 1924), véritable institution culturelle5. Les manifestants ont été dispersés avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes…
Islamisation et droits des femmes
À l’instar des sultans ottomans des siècles passés qui souhaitaient laisser leur marque sur la métropole turque, le gouvernement d’Erdoğan construira une gigantesque mosquée, la plus grande du pays, d’une superficie de 15 000 mètres carrés et capable d’accueillir 30 000 personnes. Le site choisi est fréquenté et apprécié par les Stambouliotes depuis des décennies : Büyük Çamlica, la plus haute colline de la rive asiatique d’Istanbul, lieu d’agrément et de contemplation. Cette mosquée s’ajoutera aux 3000 que compte déjà la métropole.
Diverses mesures controversées sont également venues attiser la colère des laïcs au cours des derniers mois : condamnation du pianiste turc Fazil Say pour insultes envers l'islam6, campagne d’intimidation visant l’interdiction de s’embrasser en public7, adoption d’une loi qui restreint la consommation et la vente d’alcool8, etc. Comme c’est souvent le cas, les femmes demeurent les principales victimes des dérives islamistes. En Turquie, leurs droits sont de plus en plus remis en question. Par exemple, le gouvernement d’Erdoğan a récemment tenté, sans succès, de modifier les lois afin de réduire le délai légal pour obtenir un avortement. Par le passé, le premier ministre a d’ailleurs déjà comparé l’avortement à un meurtre. Il n’hésite pas à affirmer régulièrement que les femmes de Turquie devraient faire au moins trois enfants. Même si les lois n’ont pas été modifiées, des associations de défense des droits des femmes constatent qu’il est de plus en plus difficile d’avoir accès à l’avortement au pays, particulièrement à l’extérieur des grandes villes de l’Ouest9.
Ces initiatives rétrogrades s’inscrivent dans un contexte où la violence faite aux femmes constitue un problème social majeur en Turquie. Selon le site Internet We will stop the murders of women, 39% des femmes turques auraient été victimes de violence physique dans leur vie (22% aux USA et entre 3 et 35% en Europe). Le nombre de femmes assassinées auraient augmenté de 1400% depuis 2003, et la Turquie serait le pays où l’on compte le plus grand nombre de victimes de violences sexuelles10. Beaucoup de ces violences sexuelles sont commises en prison envers des femmes (et des enfants) de minorités ethniques ou religieuses11. Depuis plusieurs années, des militantes turques luttent activement contre la dégradation des droits des femmes dans leur pays. Elles n’ont toutefois que peu de visibilité, car la majorité des médias de masse appartient à des intérêts proches du gouvernement.
Autoritarisme et liberté d’expression
L’autoritarisme des dirigeants turcs a donc largement contribué à pourrir le climat social dans le pays et à faire germer le ras-le-bol populaire qui s’est exprimé dans les rues de dizaines de villes. Depuis quelques années, cet autoritarisme s’est manifesté, entre autres, par de nombreuses atteintes aux libertés d’expression. Les violences policières et les arrestations de militants de gauche, ouvriers, syndicalistes, étudiants, anarchistes et LGBT se sont multipliées. Des centaines d’enfants ont également été arrêtés pour avoir insulté le premier ministre12. Situation semblable pour des centaines de journalistes, emprisonnés pour avoir défendu les droits des minorités du pays. Selon le Comité pour la protection des journalistes, la Turquie serait la plus grande prison de journalistes au monde13. Reporters sans frontières classe le pays au 154e rang (sur 179 pays) pour la liberté de presse14.
Lors des premiers jours de manifestations, le contrôle de R.T. Erdoğan sur les médias turcs s’est fortement fait sentir. L’envoi de SMS ainsi que l’accès au réseau Internet satellitaire des téléphones portables ont été coupés. Erdoğan s’est permis de réunir les patrons de médias à Ankara pour leur indiquer comment traiter les événements15. C’est ainsi que pendant que CNN diffusait des images en direct de la place Taksim, la télévision turque faisait passer des documentaires ou des émissions de cuisine ! Les médias turcs ont systématiquement tenté de cacher les protestations qui embrasaient le pays, ce qui a poussé un plus grand nombre de manifestants à se joindre au mouvement.
L’autoritarisme d’Erdoğan l’a également poussé à se mettre à dos une bonne partie de la communauté alévie de Turquie 16. Celle-ci constitue la plus grande minorité religieuse du pays (entre 15 et 20 millions), où on ne leur reconnaît aucun droit culturel et confessionnel. Historiquement opprimés et victimes de nombreux pogroms dans le passé, les Alévis ont vu l’humiliation se poursuivre lorsque le gouvernement turc a récemment annoncé que le nouveau pont sur le Bosphore porterait le nom de « Sultan Yavuz Selim ». Ce sultan est connu pour avoir assassiné des milliers d’Alévis au XVIe siècle. Le geste a été perçu comme un affront et a poussé des milliers d’Alévis de divers horizons à participer aux manifestations des dernières semaines. Aux côtés d’Arméniens, de Kurdes et d’autres minorités, ils ont manifesté pour exprimer leur désir de reconnaissance du passé et de la pluralité du pays.
En protestant contre leur gouvernement autoritaire et ses politiques néolibérales et islamisantes, des dizaines de milliers de citoyens issus principalement de milieux modernes, progressistes, écologistes et défenseurs des droits humains, se sont opposés en bloc au projet de société qu’on leur impose depuis quelques années. Dans ses discours en lien avec les manifestations, le premier ministre turc a souvent fait allusion au 50% qui l’a appuyé lors des dernières élections. Parmi l’autre 50%, force est de constater qu’un mouvement social est né. Il ne devrait pas s’arrêter là puisque, comme ailleurs dans la région, le mur de la peur s’est fissuré. Nul doute que le futur sera plus compliqué que prévu pour le nouveau sultan Erdoğan.
13 Committee to Protect Journalists (2012), Turkey’s Press Freedom Crisis The Dark Days of Jailing Journalists and Criminalizing Dissent, 55p.
16 Syncrétisme de l’islam chi’ite, de zoroastrisme et de mysticisme, l’alévisme diffère largement de l’islam sunnite. Par exemple, les femmes et les hommes alévis prient ensemble, ils dansent et jouent de la musique lors des cérémonies, ils boivent du vin et les femmes ne sont pas voilées.  
Source: www.lecouac.org

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